« Marcher, ça fait du bien, ça vide l’esprit » : au Pays basque, des randonnées pour aller mieux

Dans une région propice à la randonnée, des groupes de personnes en situation de handicap psychique s’emparent de ce sport pour s’évader. Une manière de rompre l’isolement et de pratiquer une activité sportive, souvent salvatrice
« Marcher, ça fait du bien, ça vide l’esprit », confie Manu. Le 23 juillet, avec douze autres personnes en situation de handicap psychique, il passe la journée à randonner sur les hauteurs d’Irouléguy, au Pays basque. Les infirmiers et éducatrices spécialisées qui les accompagnent ont fait appel à l’association Muga Berriak, affiliée à la Fédération française du sport adapté, pour organiser cette sortie. Jean-Michel Riberaud, leur guide, s’efforce de trouver des itinéraires « appropriés aux différents niveaux, en s’adaptant à la personne la moins en forme ». Si la sortie devait initialement se dérouler à Iraty, les conditions météo ont contraint le petit groupe à randonner en basse altitude, entre Irouléguy et Saint-Etienne-de-Baïgorry.
« Ce sont des moments de convivialité et de partage »
Dès le départ, à 10 h 30, les participants sont en forme. Manu, Marie et Paul sont « lancés » en tête, si bien que Dorothée, éducatrice spécialisée, trottine pour les rattraper. Elle travaille en tant qu’animatrice sociale dans les cinq Groupes d’entraide mutuelle (GEM) du département dédiés aux handicaps psychiques, entre Biarritz, Mauléon, Saint-Palais, Saint-Jean-Pied-de-Port et Hasparren.
« Dans les GEM, on accompagne les personnes en souffrance psychique, très isolées. Elles ont besoin de partager et de reprendre vie en eux. On organise des ateliers pour reprendre confiance en soi ; ce sont des moments de convivialité et de partage, où l’on fait du sport adapté, des jeux… », explique-t-elle. À ses côtés, Sandrine, adhérente, complète : « Ça nous permet de retrouver notre place dans un groupe et dans la société. D’apprendre à nouveau les codes, aussi. » Cette année, elle a déjà participé à trois randonnées comme celle-ci.

Bertrand Lapègue/SO
« Ça nous permet de retrouver notre place dans un groupe et dans la société »Vaincre « la stigmatisation »
Avant d’adhérer à l’un de ces groupes d’entraide mutuelle, les personnes hospitalisées doivent être « stabilisées », explique Marie-Pierre, infirmière à l’hôpital de jour (HDJ) de Cambo-les-Bains. « Nous accueillons les patients sur prescription médicale, de six semaines à six mois. Ils sont autonomes, ils vivent chez eux, mais viennent à l’hôpital pour leurs soins. » Le personnel y prend en charge « les dépressions, la schizophrénie, les troubles anxieux généralisés, la bipolarité… ».
Marie-Pierre et ses collègues se battent contre les « tabous » persistant autour de ces troubles : « Nous, on parle de tout, affirme-t-elle. On travaille beaucoup sur la stigmatisation, et surtout sur l’auto-stigmatisation. Avec ce genre de sorties, on veut qu’ils se disent qu’ils peuvent tout à fait faire la même chose que ceux qui ne sont pas malades. »

Bertrand Lapègue/SO
Alors qu’approche la pause pique-nique, Céline se félicite d’avoir répondu à l’invitation : « Je suis très contente d’être venue. On angoisse pendant deux ou trois jours avant, mais c’est l’état qui fait ça. Là, de voir que tout se passe bien, ça fait du bien », confie-t-elle. Son amie Valérie, rencontrée lors d’une précédente activité, profite également du moment, en admirant « les jolies maisons ». « On papote, on prend le temps de découvrir des endroits où l’on ne serait pas venu autrement », assure-t-elle, entre deux coups de bâtons bien assurés.
Priorité au sportManu, qui a « l’habitude de marcher, mais tout seul et en faisant les mêmes chemins », se réjouit de « découvrir de nouveaux endroits ». « Et ça fait du bien de voir du monde », ajoute-t-il. « C’est apaisant, on a de la chance d’habiter ici », fait remarquer Dorothée, avant que la météo basque ne fasse des siennes.
Rien que pour les symptômes dépressifs, on voit des améliorations dès trois semaines »
Bien que le temps ne soit pas de la partie, l’ambiance entre les marcheurs est au beau fixe. « Le sport est un très bon médiateur pour aller mieux », glisse Antton, infirmier en hôpital de jour. Néanmoins, « tous nos patients n’ont pas la capacité de faire des randos comme celle-là, à la journée, explique-t-il. Mais ceux qui le peuvent sont tout à fait partants. »
« On les emmène beaucoup à l’extérieur et on met le sport tout en haut, poursuit sa collègue Marie-Pierre. Pour le cerveau, c’est super important et on voit que ça fait des miracles. Rien que pour les symptômes dépressifs, on voit des améliorations dès trois semaines. »

Bertrand Lapègue/SO
Ce mercredi, les participants sont à la fois issus de l’hôpital de jour de Cambo-les-Bains et des différents groupes d’entraide mutuelle. « Ça permet de faire le lien entre notre établissement et leurs associations, précise l’infirmière. En sortant avec les GEM, on montre à nos patients que, demain, eux aussi seront stabilisés. »
À 14 h 45, la petite troupe est de retour au parking. Les visages sourient en dépit des habits mouillés par la pluie. « Milesker ! À bientôt ! » Une nouvelle randonnée est déjà réclamée pour la rentrée.
Depuis 2012, l’association Muga Berriak organise des séjours en pleine nature et des vacances adaptées, d’un à trois jours, « pour des personnes en situation de handicap mental et psychique autonomes ». Renseignements au 06 72 20 82 18 et sur le site Internet muga-berriak.fr.
SudOuest