Destruction de contraceptifs par les Etats-Unis : la France dit n’avoir « aucun moyen » de « réquisitionner les stocks »
La France a assuré, vendredi 1er août, n’avoir « aucun moyen de réquisitionner » les stocks de contraceptifs féminins bloqués en Europe, que l’administration américaine souhaite détruire, au grand dam d’associations et de la gauche qui dénoncent un « immense gâchis ».
« Dans la mesure où les contraceptifs ne sont pas des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et qu’en l’espèce nous ne sommes pas dans le cadre d’une tension d’approvisionnement, nous n’avons aucun moyen pour réquisitionner les stocks », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) le ministère de la santé français. Il a précisé ne pas avoir d’information sur l’endroit où doivent être incinérés ces contraceptifs, certains médias ayant évoqué une destruction prévue en France.
Après la révélation de l’affaire par le quotidien britannique The Guardian, l’administration américaine, engagée dans des coupes drastiques de son aide humanitaire et dans une politique anti-avortement, a confirmé à la mi-juillet vouloir détruire des contraceptifs féminins, essentiellement des implants et des stérilets, stockés dans un entrepôt à Geel, en Belgique.
Ces produits, qui étaient destinés aux femmes vivant notamment en Afrique subsaharienne, étaient issus de contrats de l’Usaid, l’Agence américaine pour le développement international, passés sous la présidence de Joe Biden.
Selon plusieurs médias, ces contraceptifs, dont la valeur s’élèverait à 9,7 millions de dollars (8,3 millions d’euros), devaient être incinérés « à la fin juillet » en France par une entreprise spécialisée dans la destruction des déchets médicaux. Une information que l’AFP n’a toutefois pas à ce stade pu confirmer de source officielle.
Plusieurs organisations internationales engagées sur la question de la contraception ont déclaré avoir proposé, sans succès, à l’administration américaine de lui racheter et de reconditionner les stocks de contraceptifs.
Des associations féministes et des syndicats français ont, eux, lancé mercredi une pétition contre la destruction décidée par l’administration américaine de ces contraceptifs féminins, exhortant Paris à s’y opposer.
Cette décision « s’en prend directement aux droits des femmes de choisir leur maternité », les « renvoie à des grossesses non désirées, à des avortements non sécurisés et leurs cortèges de complications », a écrit le collectif « Avortement en Europe : les femmes décident », à l’origine de cette pétition, qui a récolté 12 000 signatures sur la plateforme Change.
« Nous ne laisserons pas cette décision inique et sexiste être appliquée, gâchis aussi bien économique qu’humain », a de son côté prévenu le collectif qui regroupe notamment le Planning familial, la Fédération syndicale unitaire (FSU), Osez le féminisme ou encore la Ligue des droits de l’homme. « Nous exigeons que les organisations humanitaires prêtes à redistribuer ces contraceptifs (…) puissent en disposer », dit-il.
Pointant « l’opacité » de la position de la France, les signataires de la pétition estiment que le pays, devenu en mars 2024 le premier à inscrire explicitement l’avortement dans sa Constitution, « ne peut déroger à un engagement de diplomatie féministe alors qu’[il] prétend servir de modèle à l’international ».
Démarches diplomatiques de la BelgiqueLes Ecologistes ont, de leur côté, adressé, samedi, une lettre ouverte à Emmanuel Macron lui demandant d’intervenir « en urgence » afin d’empêcher la destruction, prévue par les Etats-Unis, de contraceptifs féminins, stockés en Belgique et qui pourraient être incinérés en France.
La cheffe des députés La France insoumise, Mathilde Panot, ainsi que plusieurs élues du mouvement « insoumis » ont aussi exhorté Emmanuel Macron et le premier ministre, François Bayrou, à « agir pour empêcher cette destruction, qui coûtera des vies ».
La Belgique a déclaré en début de semaine avoir engagé « des démarches diplomatiques » auprès de l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles et être en train d’« explorer toutes les pistes possibles pour éviter la destruction de ces produits, y compris des solutions de relocalisation temporaire ».
« Nous suivons avec attention la situation et soutenons la volonté des autorités belges de trouver une solution pour éviter la destruction des contraceptifs », avait déjà déclaré mercredi à l’AFP le ministère de la santé français, en ajoutant que « la défense des droits et santé sexuels et reproductifs fait partie des priorités de la politique étrangère de la France ».
« On a été informés d’un début de déstockage de ces cartons de contraceptifs mais on ignore où se trouvent les camions et s’ils sont arrivés en France », avait déclaré jeudi la présidente du Planning familial, Sarah Durocher, ajoutant : « Nous appelons toutes les entreprises d’incinération à s’opposer à cette décision insensée. » « Je ne vois pas qui en France peut accepter que cela se fasse », avait abondé la cheffe de file des Ecologistes, Marine Tondelier, sur BFM-TV/RMC : « Il faut absolument qu’on sache où ça va être incinéré. »
Le Monde avec AFP
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