« Nos aliments du quotidien sont contaminés » : ce que contient le rapport de Greenpeace sur le scandale sanitaire de l’hexane

L’hexane, utilisé comme solvant d’extraction dans la production des huiles végétales (soja, tournesol, colza...). WLADIMIR BULGAR/SCIENCE PHOTO LI / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP
Après le journaliste d’investigation Guillaume Coudray, auteur du livre « De l’essence dans nos assiettes » (La Découverte), sorti le 18 septembre, c’est au tour de Greenpeace France d’alerter ce lundi 22 septembre dans un rapport, sur le scandale sanitaire de l’hexane. Ce dérivé du pétrole est massivement utilisé comme solvant d’extraction des huiles végétales, et officiellement reconnu comme dangereux pour la santé des consommateurs.
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Dans ses analyses menées sur une cinquantaine de produits alimentaires (huiles, beurres, laits, poulets), l’ONG retrouve des résidus du produit toxique dans deux tiers des cas. Greenpeace France accuse également le groupe agro-industriel Avril d’être l’un des principaux responsables de la présence de ces résidus dans l’alimentation des Français.
Au terme de son enquête, Greenpeace réclame « l’interdiction de l’hexane en raison de ses effets sanitaires avérés et en vertu du principe de précaution », en attendant de nouvelles recherches sur la toxicité chronique du solvant et une actualisation des seuils de concentration réglementaires dans les produits alimentaires. D’autant que pour Christian Cravotto, chercheur postdoctoral au sein de l’unité de recherche et de développement agro-biotechnologies industrielles d’AgroParisTech, « des solutions viables à l’hexane existent déjà ». Voici ce qu’il faut retenir de ce rapport.
• Intraçable mais mauvais pour la santéL’hexane n’est pas obligatoirement listé sur les emballages des produits en magasin parce que ce n’est qu’un « auxiliaire technologique ». Le consommateur n’a donc aucun moyen de savoir si la substance a été utilisée dans le processus de fabrication.
Il s’agit pourtant d’un produit chimique dangereux pour la santé de la population. L’Echa (Agence européenne des Produits chimiques) estime que l’hexane est une substance CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique) de catégorie 2, avec des effets cancérogènes suspectés pour l’homme. L’Anses (Agence nationale de Sécurité sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) certifie ses effets neurotoxiques.
L’hexane est aussi un solvant « fortement explosif et inflammable » qui menace les travailleurs du secteur. Des centaines d’accidents graves liés à son inhalation ont été répertoriées dans la base ministérielle Aria (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents).
• Détecté dans deux tiers des produits analysés« Nos aliments du quotidien sont contaminés à l’hexane ! », alerte Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture et Alimentation à Greenpeace, qui avec un laboratoire d’analyse universitaire, a testé 56 produits alimentaires. L’ONG s’inquiète d’avoir retrouvé de l’hexane dans 36 de ces produits et de manière quasi-systématique dans les huiles, le beurre et les laits.
Dans les dix bouteilles d’huiles testées, des concentrations allant de 0,04 à 0,08 mg/kg ont été détectées. C’est en dessous des seuils réglementaires, mais ceux-ci sont décrits comme « peu ambitieux » voire obsolètes par Greenpeace et par l’EFSA (Autorité européenne de Sécurité des Aliments).
Pour les beurres, les résidus d’hexane sont compris entre 0,02 mg/kg et 0,06 mg/kg et sont retrouvés dans la plupart des marques de supermarchés. Comme pour le poulet – dans lequel l’hydrocarbure a été détecté dans un des neuf échantillons – et tous les autres produits d’origine animale, aucune réglementation n’encadre la présence de solvants.
Cinq des sept laits testés contiennent des traces d’hexane, probablement issues des tourteaux (résidus solides obtenus après extraction de l’huile des graines ou des fruits oléagineux) utilisés pour nourrir les vaches laitières. Greenpeace alerte d’autant plus sur le cas des laits infantiles, dans la mesure où aucune étude n’a été dirigée sur les effets potentiels d’une exposition chronique chez les nourrissons.
• Le groupe Avril accuséGreenpeace accuse le géant agro-industriel français Avril – ayant réalisé un chiffre d’affaires de 7,7 milliards d’euros en 2024 – d’être « en partie responsable du scandale sanitaire de l’hexane ». L’ONG justifie cette mise en cause par la domination du groupe sur l’industrie française de la trituration (activité consistant à extraire la matière grasse des céréales oléagineuses), qui en ferait le principal utilisateur d’hexane pour la production de denrées alimentaires et de tourteaux pour nourrir les animaux.
Le Nouvel Observateur