Narcotrafic : Bordeaux et Talence rejoignent un programme pour détourner les mineurs du deal

Les deux communes ont été sélectionnées dans le cadre d’un plan national de lutte contre « ce nouvel esclavagisme »
« La situation est souvent la même. Des familles en grande difficulté sociale ou certaines défaillantes, des ados, principalement des garçons, en grave échec scolaire, et qui ont le malheur de grandir dans des quartiers où le deal a toujours été présent. Pour eux, il est quasi-inévitable de se trouver confrontés tôt ou tard à la question du trafic », explique le docteur Nicolas Prisse, président de la Mildeca, Mission interministérielle de lutte contre les drogues, alors qu’il rencontre quelques journalistes, le 17 juillet à Paris, pour présenter le dispositif Limits.
Lancé en 2020 dans trois territoires pilotes, ce programme dispose d’une enveloppe de 6 millions d’euros, financée par les avoirs criminels confisqués dans les affaires de stupéfiants. Il accompagne des actions très localisées, souvent à l’échelle d’un quartier, qui s’attaquent à l’attrait des réseaux criminels auprès des adolescents.
« Ce qu’on essaie de faire, c’est de mobiliser autour de partenariats très opérationnels tous les acteurs concernés, justice, police, associations, élus, bailleurs, sans jamais opposer le préventif et le répressif, et de défaire les mythes, d’amener aux jeunes des informations objectives sur ce qu’est la réalité du trafic, sur cette vie d’adolescent-dealer, qui est quand même une horreur. On n’est pas très loin d’un nouvel esclavagisme, souligne Nicolas Prisse. Il y a une énorme méconnaissance. Par exemple, les ados qui deviennent ‘‘guetteurs’’ [chargés de donner l’alerte en cas d’arrivée de la police, NDLR] pensent que ce n’est pas si grave, parce qu’ils restent à l’écart de la drogue, parce qu’ils ne la voient pas forcément. Or, ces mineurs mettent le doigt dans un engrenage qui peut se terminer très, très mal. »
En France, 18 collectivités ont rejoint le programme en 2024, dont Le Bouscat qui a bénéficié de 80 000 euros pour des actions de prévention dans les quartiers des Écus et Théophile-Gautier. Quinze autres viennent de s’y ajouter dont, dans la région, Bordeaux (pour un projet centré à ce stade sur le Grand-Parc) et Talence, qui devraient signer cet automne une convention avec la Mildeca.
« Apprendre à dire non »À Bordeaux, les actions envisagées sont une déclinaison des États généraux qu’avait organisés le maire de Bordeaux Pierre Hurmic, le 20 juin, sur la prévention des usages et trafic de drogues. Nicolas Prisse y était. Concrètement, selon des informations transmises par la mairie, les élèves de CM2 et de 5e vont suivre des ateliers de sensibilisation pour se doter des « compétences psychosociales » et apprendre à dire « non », à résister à la pression des trafiquants ou de l’entourage.
Aujourd’hui, en France, « on estime que près de 10 000 mineurs sont impliqués dans le trafic de stupéfiants. Ils ne viennent plus forcément du quartier de deal, car ils sont de plus en plus souvent recrutés via les réseaux sociaux, précise Nicolas Prisse. L’âge moyen des ‘‘petites mains’’ exploitées par les réseaux criminels se situe autour de 15-16 ans, avec un recours accru à de très jeunes mineurs, parfois âgés de 10 ans. »
SudOuest