« La plupart des filles repartent avec des troubles alimentaires », prévient Marine Boyer, gymnaste et triple olympienne, en stage à La Rochelle

Marine Boyer, ancienne capitaine de l’équipe de France de gymnastique, revient sur sa vision de ce sport à l’occasion de la première édition de la Gym’Experience, à La Rochelle, deux stages de gymnastique organisés entre le 3 et le 15 août
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Les stages sont ouverts à tous les niveaux, du loisir à l’élite. -
Les enfants participant au stage ont entre 10 et 18 ans. -
La gymnastique peut être traumatisante pour le corps, alors les enfants sont accompagnés par une kinésithérapeute pendant le stage. -
67 enfants ont participé à la première semaine de cette première édition de la Gym’experience. -
Chaque stage se déroule sur une semaine.
Vous êtes originaire de la Réunion et vous vous êtes beaucoup entraînée en région parisienne, pourquoi avoir choisi d’organiser votre premier stage d’été à La Rochelle ?
J’ai une attache particulière à la ville. Avec mon amie Omaïma Tounan, cofondatrice de Gym’Experience, nous allions à Périgny faire nos stages d’été lorsque nous étions au pôle espoir de Meaux. Nous avions seulement 9 ou 10 ans, mais les souvenirs sont encore là et on adore toujours autant la ville. Même si je souhaite développer le stage dans toute la France pour donner la possibilité au plus grand nombre de gymnastes de profiter des enseignements, j’aimerais garder le camp de La Rochelle. C’est vraiment un lieu magnifique.
Quelles sont les particularités du stage que vous proposez ?
C’est plus qu’un stage de gym. On a cherché à y intégrer tous les conseils que les coachs en clubs ne donnent pas forcément. Eux se concentrent souvent sur le côté technique et peuvent oublier la préparation mentale ou la nutrition. Malheureusement, la plupart des filles qui ont fait de la gymnastique repartent avec des TCA (Troubles des conduites alimentaire). C’est important de leur parler des manières saines de se nourrir, des changements qui arrivent à la puberté et de la confiance en soi. Grâce au stage, les filles comprennent qu’il y a d’autres axes de travail que la technique pure. Ce sont des choses qui se mettent doucement en place dans le haut niveau, donc il faut laisser le temps que ça fasse son chemin en club.
Vous l’avez mentionné, la santé mentale est devenue un enjeu majeur dans le sport de haut niveau. Comment votre rapport à ce sujet a-t-il évolué au fil de votre carrière ?
J’ai commencé la préparation mentale à 16 ans, un peu sous la contrainte. C’est vraiment en 2021, après ma participation aux Jeux de Tokyo, que j’ai décidé de prendre une préparatrice mentale. J’avais perdu le plaisir alors je voulais reprendre la gymnastique correctement, avec kiné et préparateur mental. J’ai vécu mes plus belles années de gymnastique depuis que je fais attention à ma santé mentale, que je m’écoute plus. J’étais un peu surprise de voir que certaines filles présentes cette semaine ne savaient pas du tout en quoi ça consistait. Installer le mot dans leur tête, c’est déjà un bon début.
À seulement 25 ans, vous avez déjà participé à trois Jeux olympiques et été huit ans capitaine de l’équipe de France. Comment vivez-vous ce statut et l’influence qui en découle ?
C’est un sport très précoce, on rentre très tôt dans le circuit. J’ai fait ma première compétition avec l’équipe de France à 11 ans et me suis beaucoup entraînée à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). Aussi, je ne me rendais pas forcément compte de ce qu’on représente pour les gens, en tant que membres de l’équipe de France. J’ai compris que j’étais un exemple pour certaines filles lorsque je me suis déplacée dans les clubs. Je voyais leurs yeux briller, rêver de l’équipe de France et des Jeux olympiques. Alors, j’ai eu envie de partager mon expérience et mes conseils. C’est une manière de redonner à ceux qui me soutiennent. J’ai toujours voulu faire ce genre d’actions. Je n’avais juste pas le temps avant.
Un an après les Jeux de Paris, quel recul prenez-vous sur ce qu’il s’est passé ?
Je n’en ai aucun souvenir. J’ai eu un black-out complet à partir de ma chute à l’échauffement, quinze minutes avant le début de la compétition. Ce qui fait que je n’ai pas vraiment profité de ma dernière compétition. Le plus dur ça a sûrement été la pression qui nous entourait. Alors on a fermé tous les réseaux et on est beaucoup restées dans notre bulle pour ne pas trop subir la déception des médias et du public. Aujourd’hui je prends cette expérience comme une victoire malgré tout. Je suis la première française à avoir participé à trois Jeux olympiques différents par exemple. J’essaye de trouver des choses positives même dans les échecs.
Les Américaines règnent sur la gymnastique mondiale. Pensez-vous qu’il est nécessaire pour les jeunes de s’expatrier aux États-Unis pour performer ?
Tous les athlètes le disent et le répètent : la France n’est pas un pays de sport. Il n’y a pas assez d’argent pour nous, surtout après les Jeux de Paris. C’est une belle opportunité de partir aux États-Unis. Le niveau, surtout techniquement, est carrément meilleur. Pour se rendre compte, certaines de leurs équipes universitaires ont un niveau similaire à celui de notre équipe nationale. Par contre, artistiquement, on se démarque vraiment. On est gracieuses, classes et souvent mieux notées sur la chorégraphie. Ce sont deux écoles différentes.
SudOuest