Désinfox. Arrêts de travail : plus de la moitié sont-ils « injustifiés », comme l'affirme le gouvernement ?

Le chiffre s'est peu à peu installé, cet été, dans le débat public : « 50 % » des arrêts maladies seraient « injustifiés ». Il serait donc facile d'en tirer de substantielles économies... sauf que ce chiffre ne repose sur rien, ou presque.
Au fil des recherches d'économies depuis les annonces de François Bayrou le 15 juillet, un mot d'ordre revient dans les annonces du gouvernement : il faut « mettre fin à des abus » sur « les prescriptions d'arrêts maladie par les médecins ». « Nous devons mettre fin à la dérive », lançait le Premier ministre mi-juillet, ajoutant que « les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que pour 50 % d’entre eux, ces arrêts de travail, n’étaient plus justifiés ».
« Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que, pour 50 % d'entre eux, ces arrêts n'étaient plus justifiés », renchérissait sa ministre des Solidarités 10 jours plus tard, dans Le Monde. À son tour, le ministre de la Santé Yannick Neuder avance le 30 juillet que « 50 % des arrêts de travail de plus de 18 mois étaient injustifiés lors des contrôles de l’Assurance maladie ». Catherine Vautrin revenait encore sur le sujet début août.
« 50 % », un chiffre sorti de nulle part...Souvent, au fil des discussions politiques qui animent l'été, le terme « frauduleux » ou « abusif » remplace le mot « injustifié ». Avec en ligne de mire une promesse simple, presque miraculeuse : il suffirait d'être plus scrupuleux sur les arrêts maladies (neuf millions de dossiers par an) pour espérer réduire leur coût de moitié.
Sauf que ce chiffre de « 50 % »... n'existe pas. Chaque année, l'Assurance maladie publie son rapport annuel, sobrement titré ''Produits et charges''. Plusieurs centaines de pages détaillant toutes les dépenses, les recettes, agrémentées de préconisations et d'idées diverses. Le document comporte même les contributions des organisations syndicales.
...ou presqueMais ce 50 % n'y figure pas. Il se trouve en revanche (presque) dans un document de présentation annexe... et désigne tout autre chose que les arrêts maladie abusifs. « Des contrôles médicaux ponctuels sur les arrêts de plus de 18 mois ont montré que 54 % des arrêts concernés par ces contrôles n’étaient plus justifiés avec la possibilité d’une reprise du travail pour le salarié ou d’un passage en invalidité. »
C'est donc 54 %, pas 50. Mais pas de « 54 % » des arrêts maladie : uniquement d'un petit nombre d'entre eux, « choisis » - parce qu'initialement suspects - dans le périmètre déjà très réduit des arrêts de plus de 18 mois (les plus coûteux, mais les moins nombreux : les arrêts de plus d'un an ne représentent que 3 % du total, mais 25 % du coût).
Un journaliste de l’Agence de presse médicale a obtenu le détail des données auprès de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam). On parle de 18 585 arrêts de travail (sur neuf millions au total, donc) de plus de 18 mois, ciblés par un contrôle.
La plupart des « injustifiés » jugés « inaptes »Et ce n'est pas tout : si 54 % d'entre eux ont bien été jugés « injustifiés », la quasi-totalité n'avait rien « d'abusif » ou de « frauduleux ». Selon la Cnam, seuls 12 % ont amené le médecin-conseil à préconiser la reprise du travail. Pour les autres, « la personne ne relevait plus de l’arrêt de travail, mais d’une pension d’invalidité ». En clair, elle devait donc « sortir » du dispositif de l'arrêt maladie... mais pour être indemnisée au titre de l'inaptitude. Si les arrêts de travail « frauduleux » existent bien, ils sont estimés autour de 1 à 3 % du total par l'Assurance maladie. Loin des 50 ou 54 % parfois avancés ces derniers jours.
Les médecins ont peu goûté la répétition de ce chiffre de « 50 % » - comme Jérôme Marty, lui-même médecin généraliste et président du syndicat Union française pour une médecine libre, sur X.
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Il dénonce des « éléments de langage » de la part du gouvernement, qui font « passer le message que tous les médecins et tous les patients sont coupables » du déficit de la Sécurité sociale.
Pour l'heure, Catherine Vautrin souhaite « limiter tout premier arrêt de travail à 15 jours en médecine de ville » et à « un mois en sortie d'hospitalisation ».
L'Est Républicain